Fluctuat Nec Mergitur

Ma petite poule d’eau,

On se tape une sacrée gueule de bois, dis moi? Il est tellement difficile de comprendre l’incomprehensible… De devoir l’accepter et de vivre avec… Pourtant, j’ai deux armes sur chaque épaule: l’amour et l’humour, mes béquilles pour relever la tête, essuyer mes larmes et avancer malgré la peur.
J’ai mes vernis aussi, fidèles compagnons thérapeutiques, toujours là pour distiller une bonne dose de bien être en me permettant de me vider la tête. Ils sont là mais je n’ai pas envie de parler d’eux :(. Je te poste en fin d’article les liens vers mes swatches des 2 nouvelles collections ILNP. Je m’étais engagée à les faire auprès de Barbra, le preorder débute ce soir jusqu’à mardi, ça me tenait à coeur d’aller au bout des choses.

Comme les mots me font défaut, j’ai envie de partager avec toi ces trois textes lus sur Facebook qui m’ont particulièrement émue et que je relirai religieusement à chaque fois que la colère reprendra le dessus. J’espère que les auteurs de ces mots et photos ne seront pas dérangés que je poste ça ici, je n’aurais pas trouvé d’illustrations plus justes que leurs propres mots. De près ou de loin, nous sommes tous boulversés par ces tragiques événements et j’envoie toutes mes pensées aux proches de ces anges de la France.


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Texte de Benjamin Duval Facebook

LETTRE OUVERTE À MON FILS.
Gustave, mon tout tout tout p’ti bonhomme.
Tu es né le 17 Octobre 2015 à 10h47.

Si tu avais été une fille, ta mère aurait aimé t’appeler Charlie.

Mais elle s’y était résolue.

La faute à une bande de fanatiques dégénérés en guerre contre la liberté qui avaient fait couler trop de sang sur ce prénom aujourd’hui tristement célèbre.
Ce WE, tu n’as pas pu comprendre le sens des larmes dans les yeux de tes parents.

Alors tu nous as regardé attentivement et on pouvait lire l’étonnement dans tes yeux.

Tu es resté calme, étonnement calme.

Comme si tu comprenais ce qu’il se jouait en ces jours funestes.

Et puis on t’a serré dans nos bras, beaucoup trop souvent et beaucoup trop fort certainement.

Nous nous sommes enivrés de cette odeur de vie dans ton souffle.
Le temps d’un W.E, tu as été un phare allumé, seul repère dans la mer déchainée de notre effroi.

Nous étions battus par les flots et tu nous a permis de ne pas sombrer.

« Fluctuat nec mergitur » donc !

Mais si, tu sais, « la la la lala lala, c’était pas d’la litteratur’ … des copains d’abord »

Je te chante ça, quand j’ai les deux mains dans ta merde et que tu me pisses dessus.
Ce vendredi 13 beaucoup de copains sont morts mon amour.

Nous n’avions pas besoin de les connaitre pour qu’ils soient nos copains.

Ils étaient tous des amis parce qu’ils posaient leur coude sur le zinc des bars, qu’ils parlaient de plans cul ou d’amour, aimaient la musique, s’enivraient d’alcool ou de débats.
Ils sont morts, parce qu’ils avaient des copains qu’ils ont voulu retrouver.

Parce que tout ce qui vaut la peine d’être vécu doit être vécu avec les copains.

Les copains d’abord…
Gustave, mon coeur, aujourd’hui j’ai envie de te dire à quel point ta maman est belle.

Elle est souriante, attirante et sensuelle et ses yeux sourient au monde.

Mais ce qui la rend la plus belle c’est qu’elle est libre.

Libre de se construire, de penser, de s’affirmer, de hurler, de voter, de me quitter.

Elle est libre de me casser les couilles si elle en a envie.
Mon enfant, tu entendras souvent ton papa et ta maman se disputer.

Parce qu’ils en ont le droit. Parce que ta maman n’est pas obligée d’être d’accord avec ton papa.
Rien que pour ça les méchants de vendredi auraient adoré t’enlever ta maman et ton papa.

Toi même tu aurais pu être avec nous à la mauvaise terrasse, au mauvais moment.

Le fanatisme aurait pu briser ta vie si courte parce que papa et maman buvaient une bière avec des copains en racontant des conneries.
Aujourd’hui tes (très) jeunes parents essayent de respirer à nouveau.

Ton papa se demande quel est ce monde dans lequel tu vas grandir.
Ton papa est fatigué Gus, déjà fatigué.

Fatigué à 35 ans d’écouter ces culs-pincés de conservateurs déclinistes vomir leurs frustrations.

Fatigué qu’on nous gave avec ce concept foireux de fracture sociale, qu’on nous empêche de croire que l’amour et le vivre-ensemble ne soient pas les seules choses importantes dans ce monde.
Mais en te voyant, je reprends espoir.

Parce que grace à toi, ces funestes idéologues ne gagneront jamais.

Si ces barbares me mettent à genoux, ils ne t’empêcheront pas de te lever sur tes deux pattes dans quelques mois.
Mon Gus, aujourd’hui on parle de guerre.

Ces rigoristes ont déclenché une guerre contre les épicuriens et les humanistes.

Ils ont tiré sur le peuple libre des terrasses et des concerts.

Ainsi ils ont fait de tes parents des soldats et levés une armée de copains.

Ils ne pourront jamais vaincre notre modèle, nous sommes bien trop surentrainés à boire, rire, baiser, débattre, s’aider, chanter, jouir…
Et je vais faire de toi un soldat.

Je t’apprendrai à aimer les femmes (ou les hommes), à penser, à être tolérant, à être un républicain, un humaniste, à boire, beaucoup, beaucoup trop.

Je me lèverai chaque jour de ma vie, pour te faire aimer cette vie, faire de toi leur pervertis, un homme sensible et intelligent.

Je façonnerai tes armes avec le fer rouge de nos valeurs.

Je serai ta lumière, celle qui, de son rayonnement, effacera l’ombre de l’obscurantisme qui tentera de se lever derrière ton épaule.
Mon enfant, je vais faire de toi un écrivain.

Pas un romancier, mais un de ceux qui vont ré-écrire le roman français, redéfinir le vivre-ensemble et user leur stylo sur le mot amour.
Je t’apprendrai à embrasser ceux que tu aimes, à pardonner, à découvrir le plaisir d’un vin millésimé, l’importance de la solidarité et du partage.

Tu seras gentiment bête et modestement utile.
Demain on te fêtera ton anniversaire de tes 1 mois mon chéri.

Et avec ta maman, nous allumerons une bougie.

La lumière sera celle de ton avenir et du souvenir de tout ceux partis vendredi soir un verre à la main.
J’espère que tu vas bien te marrer, bien boire et bien bander.
Sois libre mon fils, combat les amalgames et accepte les différences.

Et puis soyons fous, sois bien-pensant.

Je sais qu’on te fera croire que d’être bien-pensant c’est démodé, et bien on les emmerde mon p’ti bonhomme.
Tu seras ma fierté, un combattant, un resistant.
Je t’aime.

Ton papa.


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Texte de Grand Corps malade sur Facebook

Un pays blessé peut être intelligent.
Après 3 jours d’une tristesse infinie et d’une gueule de bois sans précédent, ce matin je suis optimiste.

Comme beaucoup, j’ai lu la presse, regardé la télé, parcouru les réseaux sociaux pour comprendre ce qu’on était en train de vivre, pour mettre des mots sur l’indicible, pour regarder mon pays.

Alors bien sûr, j’ai vu de la peur, un peu de haine, du désir de vengeance, j’ai même vu quelques gros cons aussi vulgaires qu’indécents.

Mais j’ai surtout vu de l’espoir. J’ai surtout vu du courage et de la dignité.

Comme ce veuf qui déclare aux terroristes dans un texte incroyable qu’ils n’auront pas sa haine ni celle de son fils de 17 mois.

Comme cette vieille dame qui affirme que nous fraterniserons avec 5 millions de musulmans et que nous nous battrons contre les 10 mille barbares.

Comme ce journaliste qui déclare que personne ne pourra nous prendre ce qui nous constitue.

Comme cet enfant qui répète que les fleurs et les bougies, c’est pour nous protéger.

J’en ai vus et lus des dizaines comme ça, merci.

On dit d’un animal blessé qu’il peut être dangereux. Je découvre aujourd’hui qu’un pays blessé peut être intelligent.

Ce matin je suis optimiste et j’aime mon pays comme rarement.

Oui, la France est belle car elle ne cédera pas à la panique. Elle est belle car elle continuera de faire briller toutes ses couleurs, ses différences et ses incohérences. Elle est belle car elle aime danser et faire du bruit, chanter et vivre la nuit. Elle est belle parce qu’elle aime lever son verre en se regardant dans les yeux. Elle est belle parce qu’elle a une grande gueule. Elle est belle parce qu’elle est rebelle et insolente. La France est belle parce qu’elle est libre et ça, personne ne pourra lui enlever.

Grand Corps Malade


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Texte de Antoine Leiris

“Vous n’aurez pas ma haine”
Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un oeil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.


ILNP Holiday 2015

ILNP Winter 2015

 

 

28 Comments

  1. tellement beaux tous ces mots … je file à Panam demain voir mon frère sa femme et leurs 3 gnomes, prendre le temps de profiter de nos 2 tribus ensemble, dans l amour d un clan presque infaillible !
    il faut donner de l amour autour de soi, les français sont fors pour ça, rien ne les démonte, la peur les rend plus forts !
    gros bisous ma Bidi
    je t ‘envoie des tonnes de câlins <3

    1. J’espère que cette réunion t’as ressourcé! C’est vers l’amour que l’on doit se tourner pour supporter toute cette horreur! En donner, en recevoir! Pour l’instant, je ne suis pas encore sortie de chez moi, mis à part l’éternel école/travail/école/maison. Les cartons et la gestion de mon déménagement m’occupent bien la tête et heureusement… je crains tellement d’être submergée par un torrent de larmes pour lequel il n’y aurait aucun réconfort! Tout plein de câlins pour ta tribu bisous <3

  2. J’ai déjà lu ces textes plusieurs fois, j’ai pleuré à chaque. Je pleure encore 10 fois par jour à cause de toutes ces horreurs. Moi non plus, je n’ai pas envie de parler de vernis, j’ai du mal à relever la tête.
    Plein de courage à toi, Bidi… Bisous

    1. OH je voudrais tellement te prendre dans mes bras et te rassurer! J’aimerais aussi avoir l’insouciance de Sacha qui, contre bon gré, continue sa petite vie sans savoir ce qui se joue dans ce monde. J’espère tellement pour lui et pour tous les enfants du monde que les gens sauront vivre ensemble et qu’ils écriront d’autres histoires que les nôtres en ce moment. Je t’envoie toute mon affection ma belle <3

    1. Je crois l’avoir lu une centaine de fois déjà… J’avais besoin d’une transition un peu grave pour reprendre le chemin du blog et me motiver à continuer! Bisous

  3. j’ai vu aussi ces textes qui m’ont aussi bouleversés, je ne crois pas que les auteurs t’en voudront, car ils sauront que tu les as compris comme moi je les ai compris.
    Celui qui m’a le plus émue, et celui du papa à son fils, je l’avais adoré, ce qui m’avait donné l’idée de mettre une photo de ma fille sur insta.

    1. Oui cette lettre est tellement belle, bienveillante et pleine d’espoir. Pour nous, les parents ou futurs parents qui devons transmettre l’espoir et la foi en l’humanité à nos enfants. Leur destin s’écrit malgré nous et nous devons être plus forts que tout ce mal pour les porter vers le haut! Bisous ma belle Agnès <3

  4. Je pleure. C’est triste. Ça fait mal.
    Ces textes sont émouvants, remplis d’amour et d’espoir.
    Doux câlins de l’autre côté du monde qui pense à vous très fort. <3

    1. Oui, ça fait tellement mal. C’est tellement difficile d’en parler comme ça sur le blog. Et je suis comme toi, je lis l’espoir dans ces textes, pour nos enfants! Ce genre de douleurs n’a pas de frontières, c’est l’humanité toue entière qui souffre… Bisous plein d’amour

  5. Ces textes sont tellement justes… Ils m’ont fait monter les larmes aux yeux. Même à 15000kil, ces évènements m’ont bouleversée et j’ai eu une grosse pensée pour vous car, chaque nuit, à la nuit tombée, le Civic Center de San Francisco arbore les couleurs du drapeau français. Je le voyais tous les soirs en rentrant de mes cours et j’ai eu un pincement au cœur à chaque fois. Plein de becs réconfortants et ensoleillés de Californie <3

    1. C’est tellement bouleversant de voir le monde soutenir spontanément la France, tellement beau et plein d’espoir! Si seulement ces événements servaient à nous réveiller! « Aimons nous les uns les autres, bordel! » J’y crois et j’ai l’espoir que la bienveillance puisse nous porter pour vivre ensemble, tous ensemble! Bisous

  6. Je suis bouleversée ….
    Je ne trouve pas de mots…
    Moi qui aime tant la logique, pour expliquer les choses, ici je n’en trouve aucune et je crois que c’est ce qui me bloque…
    J’admire le courage de ces gens qui ont perdu un proche et qui arrive à faire face, et à écrire de si beaux textes….
    Pour eux et ceux qui en ont réchappé, nous nous devons d’être forts.
    Bisous ma Bidi

    1. Je comprends ma belle… Rationaliser les choses est tellement rassurant! Mais alors que faire quand aucune explication ne nous rassure? Il faut apprendre à vivre avec cette peur? Continuer à élever nos enfants pour qu’ils deviennent de grands hommes: libres et heureux! Bisous ma Cath

  7. Fluctuat nec mergitur … La devise de Paris inscrite sur tous ses blasons … Il est agité par les vagues, mais ne sombre pas … On l’avait tous oubliée parce qu’elle est en latin, une langue morte … Alors qu’elle est le symbole même de le vie qui n’a jamais quitté cette ville, même à ses heures les plus sombres … J’ai la gorge serrée
    Merci Chloé, je t’embrasse