Ma fille

J’ai besoin d’écrire. Pas besoin d’être lue. Juste besoin de poser des mots par écrit.
Je n’arrive plus à parler, à communiquer, je ne réponds plus aux messages, aux appels.
Je sais que je m’enferme dans ma douleur mais je ne peux pas faire autrement. Je fais ce que je peux, comme je peux, et j’ai peu de possibilités, alors j’écris.
Ma tête est traversée par tant de pensées, j’ai l’impression de vivre dans un autre monde, un monde à part, celui où Juliette serait près de nous.

Je n’arrive plus à sortir voir du monde, j’essaie pourtant. Mais…
… Rencontrer cette pharmacienne qui me demande ma date de début de grossesse et qui lit le désarroi dans mes yeux avant de pleurer et me dire qu’elle a aussi perdu sa fille en avril juste après l’accouchement.
… Apprendre la naissance des bébés des copines, je ne souhaite mon malheur à personne, mais ça fait mal, ça me fait crier d’injustice tellement c’est dégueulasse ce qu’il m’arrive, tellement je donnerais tout pour vivre ce bonheur à leur place.
… Sortir prendre l’air et pleurer de désespoir sur un banc, sentir des bras m’enlacer, des mots me rassurer, ceux ma voisine qui rentrait du travail et pleurer avec elle.

… Faire des courses à carrefour, se sentir oppressée par le monde, à en avoir des vertiges, et me déclencher une crise d’angoisse, rager en me rappelant être venue ici 4 semaines plus tôt, et qu’on était heureux bordel!
… Avoir le courage d’aller chercher mon fils après son cours de basket, et voir fondre en larmes cette maman gênée et désarmée d’avoir vu dans mes yeux la douleur après cette question qu’elle s’est sentie bête de poser. Avoir beaucoup de peine pour elle, voir la tristesse et la tendresse dans son regard pour m’aider à ne pas craquer, là, tout de suite mais son chagrin me renvoi au mien.
Ce sont des électrochocs qui m’atteignent, qui font s’envoler le peu de légèreté dont je peux encore faire preuve et me rappellent à quel point c’est grave, à quel point ce que je vis est dur, ce que je ressens est triste.
… Aller à cette fête foraine de quartier, où tout le monde s’amuse, les parents avec leurs enfants, toutes ces petites filles avec leur maman, croiser leur regard, penser à Juliette, la chercher, l’imaginer. J’ai mal. Aurait-elle eu les yeux bleus, verts? Serait-elle brune, blonde? Avec de jolies boucles, des cheveux longs, de petites couettes? Serait-elle cette ado sûre d’elle qui entraine ces copines sur le manège à sensation? Ou cette petite fille qui pleure parce qu’elle veut une barbe à papa?

Oui, dans mon monde, tout tourne autour de ma petite fille que je ne connaitrais jamais.

Nous aurons sans doute un autre enfant, je l’espère fort, c’est notre projet de vie, celui qui nous donne envie d’avancer, mais ce ne sera pas Juliette, et elle ne sera pas auprès de nous pour profiter de ces bonheurs tous ensemble.
Alors oui, il faut penser à se reconstruire, mais en sachant déjà que nous n’oublierons pas, que le manque nous hantera, qu’une part de notre cœur est brisé, qu’une part de nous est morte en perdant notre fille.

Vendredi 19 mai, la pression est intense pour moi, quatre mois et demi que j’attends de connaître le secret de mon bébé, je redoute ce moment autant que je n’en peux plus d’attendre. Des nuits que je fais des rêves, des cauchemars, à me demander si j’aurais la chance d’avoir une fille. Nous avons déjà un garçon chacun, et mon désir le plus fort est d’être la maman d’une petite fille. De vivre cette relation mère-fille, de partager, de transmettre ce qui a compté dans ma vie, de la voir grandir, l’observer, la câliner, la bercer, la rassurer, l’allaiter, la soigner, lui donner, tout, sans condition. Tellement d’images de cette relation que je rêve de vivre depuis toujours.
Je rentre en pleurs dans la salle d’échographie, mon mari se moque gentiment de moi en expliquant au médecin que j’ai peur de connaitre le sexe de mon bébé. L’examen se déroule parfaitement, le cordon, le cœur, le placenta, tous ses organes sont parfaitement en place, tout va bien, nous soufflons, et cette phrase qui raisonne encore « je vous annonce que vous allez avoir une fille madame »… Mes pleurs de soulagement, la joie la plus intense de ma vie, ce cri de bonheur, une émotion que je n’oublierai jamais. Je ressens un tel sentiment de gâchis aujourd’hui, du vrai bonheur perdu.

Et pourtant, j’ai eu ma fille, je suis la maman de cette petite fille tant rêvée, si parfaitement belle. Ce petit visage que je n’oublierais jamais… je l’espère. Cet amour fou qui nous a saisi en la découvrant, plus jolie que tout ce que nous avions imaginé, ses petits traits si fins, un nez si petit, si mignon, si ressemblant à celui de son papa, une bouche ourlée en coeur, ses yeux fermés qui me rappellent ceux de mon garçon… les miens, ceux de ma mamie adorée. Cette douleur remplie d’amour en la serrant dans nos bras, recouvrant son visage de nos larmes, en ne comprenant pas pourquoi? Pourquoi nous? Pourquoi elle? Pourquoi cette violence de la vie?

Ma fille, jamais je ne cesserai de la faire exister, à travers mes mots, mes actes, mes choix, elle sera là. Tant dans mon monde imaginaire que dans notre réalité teintée de tristesse. Bien sûr que j’ai envie d’y croire pour elle, que tout ça n’est pas un hasard, que la vie ne peut se montrer si cruelle sans que nous en tirions un bénéfice, une force. Juste que pour l’instant je n’ai plus les mots, je vis chaque jour l’un après l’autre un peu plus difficilement, j’ai du mal à y croire, j’ai peur, j’ai mal.

La seule chose à laquelle je crois aujourd’hui, c’est l’amour. Celui que je lui porte, de tout mon coeur, celui pour mon fils, mon mari, ma famille, mes amis, celui que je reçois, très fort, le seul espoir aujourd’hui c’est l’amour, essentiellement.

32 Comments

  1. Ma Bidi je lis tes mots et je pleure pour toi et avec toi <3
    Jamais ce que je pourrais te dire ne saura te réconforter et soulager ta peine et même si je ne peux même pas imaginer ce que tu vis, je veux que tu saches que je pense fort à toi. Que tu n'es pas seule et qu'en plus des gens qui t'aiment, on est aussi là pour toi.
    Tout mon amour à toi et ta famille.

  2. Je pleure en te lisant…
    Je pleure souvent en pensant à cette injustice qui vous a frappés….
    Mais je me sens tellement impuissante à t’aider….
    Sois forte ma Bidi…. Je t’aime fort

  3. J’ai pleuré de douleur avec toi en lisant ce cri du cœur si bouleversant. Il n’y a rien que je puisse écrire qui pourrait t’enlever toute cette souffrance. Ce que je sais par contre c’est qu’il faut que tu de donnes le droit de vivre tes émotions, ne pas les retenir, les laisser sortir. Oui, il y a un après mais c’est le moment présent qui compte. Une étape à la fois. Un jour à la fois. Une seconde à la fois. C’est ce qui a fonctionné pour moi. Pour les deuils que j’ai eu à vivre. S’écouter. S’aimer. Se laisser aimer. Je te serre tout doucement dans mes bras et de mon Québec, toutes mes pensées vont vers vous. Gros bisous xx
    Marie

  4. Ma Bidi-bichette….je comprends tellement ta douleur…
    La seule chose que je vais te dire, c’est : lis « 0,001% » (c’est le titre, oui, bizarre, mais c’est bien ça) par Marc Auburn : ce livre devrait te faire voir les choses sous un autre angle. J’aurais bien aimé, moi, à un certain moment, avoir ce livre entre les mains (mais il n’était pas paru !), ça m’aurait tellement rassérénée…….et écoute bien : lorsque tu auras lu ce livre, tu y verras beaucoup plus clair.
    Je t’envoie mes plus lumineuses pensées et plein d’amour : ta petite libellule te voit parfaitement et elle te chante que tout va bien…mais pour l’instant tu ne l’entends pas.

  5. Il n’y a aucun mot qui puisse apaiser votre peine, ce vide et ce froid immense qui ont envahi vos coeurs . Un jour après l’autre ! Un où tu en voudras au monde de continuer à tourner et un autre où le sourire de ton fils ou la tendresse de ton mari poseront un baume sur ce coeur meurtri ! Juliette est un ange et elle effleurera toujours tes joues de ses ailes . Écoute la chanson de George Michael « you have been loved » ! Nos anges sont en nous, pour toujours ! Courage

  6. Je ne peux que te comprendre et connaître ta peine. Et je n’ai pas d’autres mots que courage… Beaucoup de courage… Tout les mots de la terre sont superflus et insignifiants….
    Et si tu as besoin de hurler ta rage ou juste parler, je suis de l’autre côté du clavier…
    Toutes mes pensées vous accompagnent.
    Bisous volants à ton ange qui j’en suis sûre joue en ce moment même avec la mienne la haut dans les étoiles. <3

  7. Mes larmes coulent en te lisant, Bidi… la vie est injuste.
    Rien n’apaisera vos cœurs, mais si tout l’amour que l’on peut vous donner pouvait vous rendre du baume au cœur, alors je t’envoie tout mon amour, même si on ne se connait pas vraiment, je pense très souvent à toi et je t’envoie tous les jours mes pensées les plus belles, remplies d’amour et de tendresse.
    Je t’embrasse Bidi. <3

  8. Ma bidi! Je pense tellement fort à toi… Je suis vraiment peiné… Les mots me manquent. Je ne saurais imaginer cette tristesse que tu portes en toi, mais tu es forte j’en suis sûre.
    Toutes mes pensées t’accompagner dans cette douleur, que seul l’amour pourra atténuer.
    Je vous envois à tous toutes mes pensées et mon amour! ❤
    Julie.

  9. J’avais les larmes aux yeux en lisant ton texte, c’est tellement dur ce genre d’épreuve et on se demande « pourquoi moi? » en tout cas je t’envoie pleins de courage. Bisous

  10. Tout paraît tellement futile à côté de la perte d’un enfant… Je n’ose même pas imaginer en tant que maman cette douleur que tu dois ressentir, comme je n’ose même pas imaginer l’épreuve insurmontable que cela doit être. Quelle injustice mon dieu…! De là où elle est petit ange Juliette veillera à jamais sur vous et le temps apaisera vos maux, je l’espère du plus profond de mon coeur. Je pense fort fort à vous, je ne sais pas quoi dire d’autre tant je pense qu’aucun mot ne pourra soulager suffisamment votre peine. Bisous tous pleins Chloé <3

  11. Chloé, je pense fort à toi. Les mots me manquent… Beaucoup de courage dans cette terrible épreuve. Je suis sûre que où qu’elle soit, Juliette veille sur vous. Des bisous

  12. Chloé, votre petite Juliette doit être si fière de là-haut, d’avoir eu des parents tels que vous. Le plus dur pour vous maintenant et de reprendre vie, car elle continue et je suis sure qu’elle vous réserve de belles choses et que Juliette veillera sur vous tout du long. Courage et Amour. Lucile (une bapine)

  13. Je n’ai pas de mots, plus les mots justes ou adéquats … mais les tiens sont essentiels, vitaux, salvateurs, je l’espère si fort. Je t’embrasse tendrement ma Bidi.

  14. La vie fait peur, on croit maitriser tout ce qui nous entoure mais elle nous rappelle à chaque instant qu’on ne controle pas les choses… Comment surmonter l’insurmontable ?

    Notre Juliette… Promis ton papa et ta maman re-souriront un jour, le soleil brillera à nouveau… Mais il faut que tu leur laisse du temps, beaucoup de temps pour se guérir de cette blessure si violente. Le soleil brillera à nouveau, c’est sûr <3

  15. Ma chère Bidi, je n’ai pas de mots assez puissants pour te réconforter….juste quelques uns pour te dire que je pense fort à toi et à vous. Je t’embrasse.

  16. Oh non .. Je suis si triste pour vous .. Aucun mot ne pourra soigner votre douleur mais sachez que vous avez tout mon soutien dans cette période si difficile. Je vous souhaite beaucoup de courage ❤️

  17. Je me suis reconnue dans tellement de mots! Moi aussi j’écrivais à l’époque, comme un échappatoire. J’ai une enveloppe où je garde mes lettres, ses photos et des empreintes de pieds!
    Ta douleur est encore vive et le sera encore longtemps! Tu as le droit de ne vouloir parler à personne et de te renfermer!
    Chaque jour ça ira un petit peu mieux mais elle sera toujours dans ton coeur! Elle veille sur vous de la-haut et sait à quel point elle était désirée et aimée!
    Tu es forte j’en suis sure et tu te relèveras! Tu es une super maman et tu auras encore pleins d’amour à donner!
    Je t’embrasse fort!
    Stéphanie

  18. J’étais si heureuse de voir un article de toi dans mes mails, je me sens coupable maintenant d’avoir osé sourire :/
    Je te fais de gros câlins car aucun mot ne saura apaiser ta détresse.
    Des bisous tout doux ma puce ♥♥♥

  19. On ne se connaît pas mais je souffre avec toi… Je ne trouve pas les mots, je ne crois pas qu’il y en ai qui puisse être justes! Mais juste de te dire que je pense à toi et à votre petite Juliette. Je vous embrasse de tout coeur. Marion

  20. Je ne connais que trop bien que cette douleur, je ne sais que trop bien qu’aucun mot ne pourra te consoler. Personnellement j’ai réussi à m’en sortir en lisant beaucoup, en partageant mon expérience. Disons que je me suis sentie moins seule.
    Aujourd’hui, mon fils est toujours là,dans mon cœur. Il vit en moi et veille sur moi. Je ne le connaîtrais pas physiquement mais son âme est avec moi.
    Plein de courage dans cette terrible épreuve de la vie.

  21. Les mots me manquent, par contre les larmes sont bien là…
    J’aimerais avoir les mots pour soigner tes maux qui me transpercent le coeur. Sincèrement, je ressens ta douleur là, dans mon ventre, comme un coup de poignard, c’est très dur – et le mot est faible.
    Je n’ai qu’une paire de bras virtuels à t’offrir, une épaule tout aussi virtuelle où pleurer, des yeux pour te lire et t’écrire toute mon empathie vis-à-vis de cette injustice indescriptible.
    Bref, je suis de tout coeur avec toi. Et ton ange Juliette sera toujours là, il ne faut pas chercher à effacer son souvenir, bien au contraire, il faut la faire vivre autrement.

    Tendres pensées <3

  22. Moi même je n’ai pas connu mon fils. Enceinte pour la premiere fois et malade tout le temps, de l’espoir tellement j’avais attendu ce moment.. cette épreuve a été plus que douloureuse donc je comprends et meme admire que tu réussisses à mettre des mots car moi j’en étais incapable. Avec le temps tu verras ça ira mieux mais le chemin prend du temps. Courage à toi et ta famille. Plein de bisous et d espoir

  23. Je n’ai aucun mot qui pourrait vous faire du bien,
    Je ne peux qu imaginer votre douleurs
    Et je suis sur qu’elle doit être bien pire que se que j’imagine,
    Je voulais quand même vous écrire un petit mot, pour vous dire que toute mes pensées vont vers vous,
    Et que votre magnifique princesse sera toujours avec vous, au plus profond de vous, dans votre coeur

    Plein de courage à vous

  24. Bonsoir…
    je ne vous connais absolument pas et je lis cet article suite à un partage de La lu totale…et ça me parle, ça me touche…Juliette, c’est Elisa pour moi, ma 1ère fille….petit bébé tellement attendu, espéré…et cette peur profonde au fond de moi de perdre mes enfants….
    Bam….
    Après 23 semaines de total accord, le drame….nous n’avons rien pu faire;..
    J’ai détesté les femmes enceintes autour de moi…j’ai haï mes proches quand il me disait « ah, un tel a accouché »….je me suis détestée…
    ça s’est passé pendant les vacances, et travaillant comme surveillante en lycée à l’époque, les élèves ne s’attendaient pas à me revoir….je me suis détestée quand j’ai répondu à une élève que j’appréciais beaucoup qui me demandait « alors, le bébé? »…. »elle est morte »…j’ai vu les larmes dans les yeux de cette jeune fille et je me suis dit que je n’avais pas le droit de faire souffrir les autres avec ma souffrance…
    J’ai été épaulé par un mari extraordinaire et un gynécologue au top…
    1 an 1/2 après la naissance d’Elisa est née notre 2ème fille….
    Cela va faire 10 ans aujourd’hui….10 ans…..je l’ai tenu dans mes bras 3 minutes avant qu’elle ne décède….
    et vous savez quoi ? je suis heureuse avec mes filles….je pense parfois à Elisa, je me demande ce qu’il se serait passé si elle était encore parmi nous..Je me dis que je n’aurais pas eu ma grande fille…enfin, c’est tellement confus tout ça…
    Tout ça pour vous dire que je suis de tout cœur avec vous…vous dire que vous n’êtes pas seul ne changera rien car chaque histoire est personnelle (oui, ça aussi a m’énervait quand on me disait: tu sais, moi aussi j’ai perdu un enfant)….
    <3 <3 <3 Plein de courage à vous et une énorme pensée à cette petite princesse Juliette <3

  25. Je pense fort à vous et à Juliette. À chaque fois que je regarde le ciel. Elle est la, apaisée et tellement belle et elle veille sur toi

  26. Je sais pas quoi te dire Bidi, c’est un deuxième déchirement de te lire ici…
    Je sais pas quoi te dire à par « je t’aime », parce sur c’est important, de dire aux gens qu’on les aime, même sans les connaître, parce que c’est important, l’amour.
    « On aime encore plus intensément, et plus profondément, lorsque la douleur a creusé et agrandi notre cœur. »

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